Participation des associations au Service National Universel.  L’éducation populaire complice du pire !

[CP ASSO Solidaires] Participation des associations au service national universel. Les associations complices du pire !Le Service National Universel (SNU) a débuté Dimanche 16 Juin pour plus de 2000 jeunes volontaires. On ne s’était malheureusement pas trompé en dénonçant la « militarisation du dispositif » dans un appel à boycotter ce dernier publié en Novembre 2018. Les premières images du dispositif sont effrayantes : jeunes en uniforme chantant la Marseillaise au garde-à-vous, participation à des commémorations militaires, lever du drapeau. Ces images font davantage penser à un camp organisé par un groupuscule d’extrême-droite qu’à des jeunes « engagé.e.s ».

Avec le SNU, « l’engagement » se confond avec la mise au pas : encadrement militaire, imagerie autour d’un « creuset républicain » et de la rhétorique de l’assimilation, la « sécurité » et la « défense et la mémoire ». Le caractère obligatoire du dispositif est déjà envisagé sous peine de sanctions : interdiction de passer le code de la route ou de s’inscrire au baccalauréat ou à des concours administratifs. Les organisations de jeunesse (associations, syndicats) qui ont fait part de leurs oppositions au dispositif ont été éconduites sans discussion possible.

Le dispositif est un vaste gaspillage d’argent public avec 1,5Mds d’€ de dépenses prévues. Les services publics (ex les urgences) et les associations ne fonctionnent plus faute de moyens. Pire, le budget de l’Education Nationale est largement ponctionné pour financer l’expérimentation. Or, n’est-ce pas justement le rôle de l’éducation nationale de susciter la citoyenneté et le vivre ensemble. Ce n’est pas le sens que prend la réforme dite de « l’école de la confiance » portée par le ministre Blanquer. Sarkozy nous avait expliqué en 2007 que «L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal.», Macron semble vouloir rajouter le bidasse en haut de ce classement nauséabonde. Comme dans tous les secteurs de la société, l’idée même d’émancipation est abandonnée au profit du contrôle et de l’ordre.

Une vingtaine d’associations ont accepté de participer à cette mascarade vendant leur âme sans vergogne contre quelques deniers publics. Que viennent-elles faire dans ce dispositif ? En premier lieu, servir de cache-sexe à ce dispositif en monnayant leurs images pour adoucir le dispositif et nous servir une bonne louche  « d’engagement » et de bons sentiments. Dans le détail, les associations vont louer des infrastructures (centres de vacances) , encadrer des sessions du dispositif, mettre à disposition des animateurs et animatrices pour caporaliser les « maisonnées », animer des sessions autour d’ateliers sportifs qu’on imagine bien « virils » ou lutter contre les discriminations (sans blague).

Il y a un autre enjeu pour ces associations : participer à la promotion du travail gratuit via la seconde phase « d’engagement » qui consacrera le volontariat en service civique.  Nous reprenons ici les mots de Yann Lasnier, pour Marianne qui conditionne sa participation au fait : « Que les crédits de ces deux phases ne finissent pas par dévorer les crédits alloués au service civique ». Comprendre: « aucun problème pour prendre de l’argent sur le budget de l’éducation nationale, mais merci de ne pas toucher au service civique ». Revenir sur un dispositif qui précarise massivement la jeunesse (150 000 volontaires en 2018 dont 80 000 dans le secteur associatif) et a pour vocation l’apprentissage des jeunes à se taire et à travailler sans rémunération ni droits ne serait pourtant pas du luxe.

La participation d’associations historiques d’éducation populaire, tels que la Ligue de L’Enseignement, les Céméa, Familles Rurales et beaucoup d’autres, nous montrent ce qu’est devenu le secteur de l’ « éduc’ pop », un vassal de l’État sans éthique ni ligne directrice. D’autant plus que le SNU n’aurait jamais été possible sans la complicité de ces associations ! A ce titre, le silence des grosses fédérations associatives est assourdissant. Nous appelons de nos vœux à la rénovation de l’éduc’ pop, avec et pour les salarié.e.s et les jeunes que nous accompagnons. La fin immédiate de l’expérimentation du service national universel doit en être la première pierre.

Communiqué ASSO Solidaires du 24 Juin.

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4 thoughts on “Participation des associations au Service National Universel.  L’éducation populaire complice du pire !”

  1. il y a de nombreuses fédérations départementales de la Ligue de l’Enseignement qui refusent de participer à cette mascarade du SNU. J’ai signé en qualité d’ancien président national de la Ligue une tribune dans « Le Monde  » le WE dernier .

    Service national universel : « Les jeunes aspirent à autre chose qu’à un certificat de conformité »
    TRIBUNE
    Collectif

    Dans une tribune au « Monde », un collectif d’intellectuels, de membres du monde associatif et d’artistes dénonce le manque de concertation dans la préparation du SNU.
    Publié aujourd’hui 8 février 2020 à 06h30 Temps deLecture 4 min.
    Publié « le Monde » papier le 9 février 2020

    Tribune. Qui oserait se porter en faux contre les intentions affichées par la mise en place du service national universel ? Il s’agit, nous dit-on, d’un « projet d’émancipation des jeunes » qui vise « le renforcement de la cohésion nationale et territoriale, le développement d’une culture de l’engagement et l’accompagnement de l’insertion professionnelle et sociale des jeunes ». Ce sont là, en effet, des objectifs louables, tant la situation est aujourd’hui préoccupante : les fractures entre les territoires rendent dorénavant difficiles, voire impossibles, les rencontres entre des franges de plus en plus hétérogènes de notre jeunesse ; l’école entérine, quand elle ne les creuse pas, les inégalités sociales ; la précarisation galopante retarde de plus en plus l’entrée dans un emploi durable ; les industries de programmes et la machinerie publicitaire ne voient dans les différentes catégories de jeunes que de lucratifs « cœurs de cible » ; des « joueurs de flûte » de toutes sortes tentent d’enrôler les adolescents sans repères au service des idéologies les plus baroques, quand ce ne sont pas des fanatismes les plus mortifères…
    Que propose, face à cela, le SNU ? Un « séjour de cohésion de deux semaines » et une « mission d’intérêt général de douze jours ». Un déploiement en 2020 pour 30 000 jeunes volontaires, avant la généralisation et l’obligation, en 2023, pour 800 000 jeunes. Un budget de 2 milliards d’euros en vitesse de croisière.
    L’opération est imposante et, avec de telles ambitions, on aurait pu imaginer qu’elle fasse l’objet d’une concertation d’ampleur. Or voilà qu’elle se met en place à marche forcée, sans que les acteurs de l’Education nationale, les parents d’élèves, les organisations professionnelles et syndicales, les collectivités territoriales et les mouvements d’éducation populaire n’aient jamais vraiment été impliqués. Certes, on se doute que le gouvernement va faire pression sur les associations – qui ont perdu plus de 16 000 emplois depuis 2018 – pour qu’elles s’engagent dans le SNU, au risque, sinon, de voir leur existence compromise. Mais suffiront-elles pour accueillir chaque année les 800 000 jeunes qui vont devoir trouver un support pour leur « mission d’intérêt général » ?
    « Malgré les dénégations, c’est bien le modèle militaire qui est imposé »
    En quoi va consister le « séjour de cohésion » ? Le projet actuel suggère d’utiliser les « pédagogies actives » et de « partir de l’expérience des jeunes ». Mais, malgré les dénégations, c’est bien le modèle militaire qui est imposé : de l’uniforme au lever des couleurs, des marches au pas à la structuration en brigades, tous les attributs de la caserne sont là. Or, s’il est parfaitement légitime de proposer cela aux jeunes qui se destinent à une carrière dans l’armée ou la police, il est absurde de l’imposer à toutes et tous. Car on risque alors de se heurter au scepticisme des uns et à l’agressivité des autres. La « cohésion » ne se décrète pas : elle se construit dans une démarche pédagogique ambitieuse. L’« engagement » ne s’impose pas : il se découvre dans des rencontres multiples et s’accompagne au long cours. L’« émancipation » n’est pas une « opération coup de poing » : c’est un processus qui permet d’accéder à la réflexion critique et de « penser par soi-même ».
    Des objectifs ambigus
    Une autre voie est possible que ce SNU incohérent, irréaliste et aux objectifs ambigus. Si notre pays veut consacrer 2 milliards d’euros pour compléter et enrichir la formation de sa jeunesse, les possibilités ne manquent pas. Nous pourrions, par exemple, construire et insérer dans la scolarité, dès le collège, un véritable « parcours citoyen » : tous les élèves auraient à choisir, chaque année, un « engagement citoyen » dans un ensemble de propositions construites en collaboration avec les collectivités territoriales et le tissu associatif ; ils devraient en rendre compte auprès de leurs camarades et de leurs professeurs et présenter régulièrement un dossier faisant état de leurs découvertes et de leurs acquis.
    Nous pourrions aussi encourager et financer largement toutes les formes de rencontre et de coopération entre jeunes d’origine différentes, tant dans le cadre de séjours de vacances que d’activités sportives, artistiques et culturelles, ou encore d’engagements au service des plus démunis, des séniors isolés ou de la sauvegarde de la planète. Nous pourrions également multiplier les bourses, les aides à la mobilité, les soutiens aux projets innovants pour susciter de nouvelles solidarités. Tout cela pourrait se faire en s’appuyant sur l’expertise des mouvements d’éducation populaire, qui retrouveraient ainsi une place qu’ils n’auraient jamais dû perdre dans notre société.
    Les jeunes aspirent à autre chose qu’à un certificat de conformité. Nous leur laissons un monde largement dévasté. Ayons au moins la décence de leur proposer quelques occasions de construire ensemble leur avenir en mobilisant leur imagination et leur dynamisme. Notre République – pour rester fidèle à ses promesses – ne peut se contenter de jeux de rôles bâclés dans des casernes improvisées. Elle doit se donner les moyens de former des citoyens en leur permettant de s’engager et de se rencontrer, de découvrir ensemble qu’ils ont désormais un destin commun à partager, un destin national, européen et planétaire.
    Sonia Basset, présidente du Mouvement rural de jeunesse chrétienne ; Laurence De Cock, enseignante et chercheuse en histoire et sciences de l’éducation ; Marie Duru-Bellat, sociologue ; Eric Favey, ancien président de la Ligue de l’enseignement ; Philippe Meirieu, pédagogue ; Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France.
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