« on a juste l’impression d’être dans un labyrinthe de non-sens »

A la veille du « déconfinement » nous publions un dernier témoignage de travailleur.se de l’associatif en cette période de confinement. Période qui met à rude épreuve nos conditions de travail et nous pousse dans des situations ubuesque, comme celle de Jimmy qui travail dans l’insertion avec des jeunes.

« Je travaille dans une association qui met en place des programmes d’insertion. Les jeunes sont principalement envoyés par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) ou des programmes de prise en charge de Mineurs Non Accompagnés. Les Mineurs Non Accompagnés sont des enfants de nationalité étrangère non européenne qui sont arrivés sur le territoire français sans adultes responsables d’eux.

Chaque jeune se déplace au sein de l’association et est accompagné dans ses recherches et démarches liés au travail. Cet accompagnement dure quelques mois. Certains de ces jeunes, deviennent majeurs alors qu’ils sont dans notre programme d’insertion. Ce passage à la majorité est bien souvent synonyme de changement pour eux, avec un nouveau logement, un nouveau référent etc

Avec le confinement, nous avons été obligés de fermer la structure d’accueil. Je maintiens le contact avec les jeunes que je suis par téléphone, comme je peux. Je remarque qu’il existe des problèmes pour les MNA. En effet, lorsqu’ils prennent 18 ans, leur situation est réévalué puisqu’ils deviennent adultes. Pour obtenir un titre de séjour, la préfecture leur demande d’être en emploi ou en apprentissage le jour de l’évaluation de leur dossier. Malheur à celui qui n’a pas trouvé, son dossier est bien souvent rejeté.

Or, certains de mes jeunes ont eu 18 ans tout juste avant ou pendant le confinement. Que se passe t-il dans ces cas-là ? Comme il n’est pas possible de se rendre à la préfecture, leur dossier n’est pas étudié. Dès lors, est ce qu’il y a un report de l’instruction de leur dossier, ou est-ce tout bonnement rejeté ? Je n’ai vu aucune information à ce sujet.

L’un de mes jeunes a par exemple une situation atypique. Il a eu 18 ans juste avant le confinement. Sa prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance s’est donc arrêtée. Cela signifie par exemple qu’il n’est plus logé. Une demande a donc été faite pour obtenir un logement d’urgence. Il a été mis sur liste d’attente vu qu’il n’y avait pas assez de places. Avec le confinement, la situation s’est détériorée vu que les structures d’hébergement ne prennent pas de risques de faire des nouvelles entrées. Il est donc SDF depuis début mars. Fort heureusement, il est hébergé par un ami mais cette situation reste instable. Le jour où l’ami lui demande de partir , il est à la rue. D’autant que le 115 est débordé, et qu’il n’y a parfois pas de places pour l’héberger le soir.

D’autres problématiques rentrent en compte. Sans revenus, comment fait-il pour se nourrir ? Il ne m’a rien dit à ce sujet. Il est également difficile de le joindre car il n’a plus de crédits téléphones et internet.

Cette situation est vraiment dommage car nous avions un contrat d’insertion pour lui. Il faut savoir que les contrats d’insertion doivent être validés par Pôle Emploi. Nous n’avons aucune nouvelle d’eux depuis le début du confinement. Ce contrat est d’une extrême importance pour l’obtention de son titre de séjour et on est dans un flou total concernant les démarches.

Bref, c’est le serpent qui se mord la queue. Ces situations sont déjà très complexes en temps normal. Avec le confinement, on a juste l’impression d’être dans un labyrinthe de non-sens. »

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