Enquête conditions de travail dans l’associatif en Haute-Garonne

Enquête conditions de travail dans l’associatif en Haute-Garonne

Note de synthèse de l’enquête

Origines et objectifs de l’enquête

La section locale ASSO31 a lancé sa première enquête-action sur les conditions de travail dans le secteur associatif en Haute-Garonne en 2022. A l’instar des enquêtes ouvrières réalisées au sein d’une même entreprise/usine, les objectifs de cette enquête départementale sont multiples :

  • Créer une enquête avec un effet de conscientisation à l’échelle individuelle sur ses droits et conditions de travail
  • Avoir un outil pour démarrer des discussions sur les lieux de travail et favoriser les questionnements et démarches avec des collègues
  • Diffuser les résultats pour réaliser le commun
  • Construire des revendications à partir des résultats de l’enquête et passer à l’action collective

De la création du questionnaire, à la diffusion de l’enquête, en passant par l’analyse et la communication des résultats, faire vivre cette enquête-action a été une aventure créatrice de multiples dynamiques collectives (voir plus de détail sur le méthode p. 23).

Résultats clés

Voici les principaux constats et enseignements tirés de l’enquête :

Instabilité et turn over

Les longues carrières sont rares dans le secteur associatif : 56% des personnes en CDI se projettent, malgré leur contrat, moins de 5 ans dans leur structure et 76% des personnes en CDI travaillent depuis moins de 6 ans dans leurs structures. Si les travailleureuses dans de petites structures semblent se projeter sur du plus long terme que dans les grosses associations, le turn-over reste important. L’instabilité de l’emploi et les conditions de travail dégradées en sont les causes principales.

Rémunérations faibles

Face à un salaire médian en France de 1940€ net, seulement 20 % des salarié.es se situent au dessus et 3 % seulement au dessus du salaire moyen (2630€). 70 % des contrats précaires gagnent moins que le SMIC et 40 % gagnent moins de 600€. A même responsabilité, 70 % des personnes interrogées considèrent leur revenu comme au-dessous de la moyenne comparé à un poste en entreprise privé classique. Cette faible rémunération s’accompagne d’un manque de transparence – 31 % ne connaissent pas les écarts de salaires dans leur structure.

La norme des heures sup’ et gratuites

En moyenne, les répondant.es travaillent 2,4 heures en plus que dans leur contrat chaque semaine, sachant que 45,2% des personnes enquêtées dépassent les 4 heures supplémentaires par semaine. Toutefois, les dépassements des horaires s’accompagnent rarement de rémunération : seulement 10% les ont payées et 21 % des travailleur·euse·s n’ont aucune rétribution pour les heures supplémentaires effectuée.

Entre engagement et exploitation

80% des personnes interrogées conçoivent leur travail salarié avant tout comme un lieu d’engagement. Au nom de ‘la cause’, les travailleur-euses du monde associatif rognent depuis des années sur le code du travail pour maintenir à flot les structures associatives. Par exemple, plus d’un tiers des salarié·e·s ont déjà baissé leur condition de travail face aux manques de financement. Enfin, il est important de souligner que 92% des personnes qui considèrent le travail aussi comme un lieu d’exploitation ont les plus bas salaires.

Déborder d’un cadre rarement prescrit

Seulement 7% des interrogé·e·s affirment ne pas déborder de leur cadre légal de travail. A contrario, 47% des personnes n’ont pas de fiches de poste qui détaillent les missions prescrites dans le cadre de leur contrat de travail. Face à ce manque de cadre, un tiers des salarié·e·s décrivent des situations de souffrance au travail.

(Auto)-exploitation et conflits

Si les débordements du cadre sont souvent « décidés » par les salarié-es elleux-même pour ‘la cause’ et pallier un manque de moyen pour réaliser leur mission, la moitié des débordement sont prescrits par les hiérarchies. L’associatif n’échappe pas aux conflits salariaux et rapports de pouvoir avec une hiérarchie. 20 % des répondant.es déclarent avoir des relations très compliquées voire mauvaises avec leur direction ou Conseil d’Administration.

Des risques sur la santé

Le manque de moyens et la culture de l’engagement accentuent les obstacles à faire valoir son droit à l’arrêt maladie : 30% des enquêté·e·s ont des grandes difficultés pour se mettre en arrêt de travail. Cette difficulté s’accroît dans les TPA où 73 % des personnes qui déclarent impossible ou presque-impossible de se mettre en arrêt travaillent dans des structures de moins de 11 salarié·e·s. Or, 48 % des travailleur·se·s déclarent faire une activité où il existe des risques de maladie professionnelle. Les 3/4 des personnes n’ayant aucune prise en charge de leur mutuelle par leur employeur travaillent dans des TPA de moins de 11 salarié·e·s. Le manque de prise en compte des risques psycho-sociaux entraîne des maladies professionnelles et explique aussi en partie le turn-over important du secteur.

Du télétravail ou travail à domicile ?

Les petites structures (moins de 11) sont celles où le télétravail est le plus fréquent (58% des personnes qui font régulièrement et 82% majoritairement du télétravail) et souvent celui-ci est non encadré (aucun équipement pour 44 % de ces personnes). Le télétravail est rare dans l’associatif, il s’agit le plus souvent de travail à domicile pour pallier l’absence d’espaces de travail de qualité ou l’incapacité de se rendre sur le lieu de travail.

Manque d’information et de formation sur le droit au travail

Dans l’enquête, malgré la sur-représentation de personnes syndiquées, 16% des salarié·e·s considèrent ne pas être du tout informé·e·s sur leurs droits au travail malgré de hauts diplômes et des emplois dans le social ; 1 personne sur 6 ne connaît pas sa convention collective (et donc l’existence de droits spécifiques) ; presque 1 personne sur 2 ne connaît pas l’existence d’accord dans sa propre association.

Absence de droits collectifs

L’absence d’accord collectif va de pair avec l’absence de structure de négociations ou la méconnaissance des recours possibles pour les salarié·e·s. L’imaginaire « tous dans le même bateau » induit l’absence de négociation entre syndicat et employeur et donc l’absence de droits collectifs. En cas de problème au travail, seulement 7% des interrogé·e·s contacteraient un syndicat.

Revendications des enquêté·e·s

Enfin, différents types de revendications ont émergé (liste complète p.19) :

  • Une justice salariale afin de revaloriser les salaires, de payer les heures supplémentaires et de promouvoir l’égalité salariale
  • En finir avec les contrats précaires afin de stabiliser les emplois dans le secteurs en mettant fin au CDII et aux dispositifs des services civiques.
  • Renvoyer la responsabilité d’État de sécuriser les financements des associations : la fin de la logique de financement par projet et le retour aux subventions pluri-annuelle de fonctionnement
  • Cesser les débordements « au nom de la cause » – pour un respect de la fiche de poste et du contrat de travail…