Une table ronde a eu lieu à l’Assemblée Nationale à l’invitation d’Aurélien Saintoul et Farida Amrani, député•es autour de l’éducation populaire et des libertés associatives vendredi 2 février 2024.
Il y était question des conséquences de la politique d’Emmanuel Macron sur les médias indépendants et sur l’éducation populaire.
Différentes interventions ont ponctué cette table ronde dont celle de Agnès Rousseaux (directrice de la revue Politis), François Bernard (e-pop, média de l’éducation populaire), Julie Maury (Présentatrice à Le Média), Ulysse Rabaté, sociologue, Jean-Baptise Jobard (coordinateur du collectif des associations citoyennes et auteur du livre « Une histoire des libertés associatives) et Elsa Tremel pour représenter le syndicat ASSO-Solidaires.
Retrouver ici l’intervention d’Elsa TREMEL pour le syndicat ASSO :
« Le syndicat ASSO est un syndicat des travailleur-ses du secteur associatif créée en 2010 pour organiser les travailleur-ses sur les questions de salariat militant, employeur bénévole et la question des contrats précaires. Avec plus de 1300 adhérent-es en 2023, une centaine de sections syndicales dans des associations et structures diverses en objet et en taille, nous sommes membre de l’Union Syndicale Solidaires et proposons un syndicalisme de lutte et de transformation sociale.
En introduction :
L’éducation populaire se développe à la fin du 19ème siècle et a pour visée politique de transformer la société en dehors des institutions traditionnelles de l’enseignement.
La loi de 1901 sur les libertés associatives encadre la liberté des individus à s’organiser dans un cadre bénévole. Il est important de dire que cette loi n’avait pas prévu que le monde associatif serait au début du 21ème siècle un des plus gros employeurs de France avec 1, 6 millions de salarié-es en emploi principal, beaucoup plus si on compte les emplois dits secondaires.
Dans notre syndicat, nous voyons bien qu’une partie des salarié-es qui viennent bosser dans les association, notamment d’éducation populaire, otn fait un choix politique d’aller travailler dans le secteur privé non-lucratif et défendent des idées souvent au détriment de conditions de travail dégradées.
Plusieurs choses nous choquent en tant que travailleur-ses :
1) de plus en plus pour les pouvoirs publics, les associations sont souvent considérées comme des » sous services publics » ou des « partenaires des collectives territoriales low costs »
2) La mise en danger de l’éducation populaire passe par l’inaction des structures historiques de ce secteur
3) Le financement des associations est mobilisé aujourd’hui pour limiter leur liberté d’expression et d’association
4) les associations sont mises au pas par la promulgation de lois racistes et liberticides
1) Ainsi pour les pouvoirs publics, les associations sont souvent des » sous services publics » (quand elle délèguent tout ou partie d’activités qui relèvent selon nous du service public : les centres de loisirs associés aux écoles, l’insertion professionnelle et d’autres encore) ou des « partenaires des collectivités low-cost » .
Aujourd’hui, beaucoup d’associations sont financées par les pouvoirs publics notamment pour le paiement des salaires ( ou indemnités dans le cadre des travailleur-ses volontaires en service civique).
La logique de gestion néolibérale entraîne une mise en compétition délétère des associations, une augmentation du recours à des contrats précaires et dérogatoires au droit du travail (Contrat d’Engagement Educatif dans les Accueil Collectifs de Mineurs, volontaire en service civique, contrats d’insertion…) et une dégradations des conditions de travail, de rémunérations et d’emploi!
2) La mise en danger de l’éducation populaire passe par l’inaction des structures historiques de ce secteur
Le syndicat ASSO très présent dans le monde de l’éducation populaire car pas loin de la moitié de ses adhérent·es travaillent dans des associations d’éducation populaire et est représentatif dans la branche Eclat (animation) notamment (branche avec 300 000 salarié·es si on compte les précaires).
Pour nous, ce n’est pas uniquement la politique du gouvernement qui met en danger le monde de l’éducation populaire mais aussi la politique des grandes institutions même de l’éducation populaire (syndicat national mais aussi certaines grandes fédérations qui confondent démarche et projet politique d’éducation populaire et secteur économique à gérer à moindre coût).
Plus concrètement, face à une politique des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron, il n’y a pas de souhait des hautes institutions de l’éducation populaire de faire entendre un autre son de cloche (on ne parle pas du CAC ici).
Plutôt que des porteurs de projets d’émancipation, ils se comportent comme un club de personnes qui veulent se placer au mieux pour accompagner les politiques du gouvernement. Cela contribue à la marginalisation des associations vraiment porteuses de valeurs et démarches d’éducation populaire.
Ces institutions de l’éducation populaire sacrifient toute qualité pédagogique (par exemple avec la question des temps de préparation si peu pris en compte) à des objectifs de compétitivité de la branche vis à vis des autres branches et de la gestion de l’animation directement par les collectivité.
Le problème n’est pas que dans les politiques du gouvernement mais que la majorité des acteurs sont incapables de faire entendre un projet alternatif ou porteur d’un sens fort face à un gouvernement qui ne comprend rien aux démarches et horizons de l’éducation populaire.
L’exemple le plus parlant est la mise en place généralisée du Service National Universel (dit SNU). Beaucoup de grandes fédérations et le syndicat patronal de l’éducation populaire essaient de négocier au mieux le placement des structures de l’animation dans la généralisation du SNU voulue par le gouvernement. Le SNU s’inscrit dans une dangereuse militarisation de l’encadrement de la jeunesse et plus largement de la société éloignée des valeurs et des pratiques de l’Education Populaire. Cette politique publique du SNU va coûter extrêmement chère même si le gouvernement s’en défend et constitue un transfert de budget vers la militarisation de la jeunesse alors que le manque de moyens est criant pour l’éducation populaire.
3) Le financement des associations est mobilisé pour limiter la liberté d’expression et d’association
Alors que le financement des associations est mis à mal via la mise en place d’appels d’offres et d’appels à projets depuis 20 ans et de logiques de mise en concurrence, les associations sont aujourd’hui contraintes de signer le Contrat d’Engagement Républicain. En faisant, cela, le gouvernement lance et accompagne un mouvement de mise sous tutelle des association par l’Etat : même si heureusement, certaines fédérations de maisons de quartiers et maisons de quartiers portent à l’échelle nationale un projet émancipateur, beaucoup de petites associations locales payent le prix fort d’avoir un projet éducatif considéré comme pas raccord avec les dites valeurs de la République. Dernièrement, nous pensons à l’association Canal Ti Zef en Bretagne qui fait de l’éducation aux médias ; le sous-préfet s’oppose au versement d’une subvention de 2500 euros pour non-respect du CER.
Nous rappelons que la loi séparatisme prévoit des sanctions dans le cas où un membre (qu’il soit bénévole ou salarié-e) d’une association ne respecte pas ce CER niant tout organisation collective d’une association et la liberté individuelle de s’exprimer.
Cela se rajoute à un mouvement de contrôle social voire de féodalisation des associations par les collectivités territoriales les tenant par le budget et empêchant toute politique faisant des vagues.
Ainsi, il y a un mouvement de fond à l’échelle de l’Etat mais aussi des multitudes de collectivités territoriales pour qui le financement des actions socio-éducatives, d’éducation populaires, culturelles est conditionné implicitement ou explicitement au fait que les associations ne constituent en rien un contre-pouvoir mais des accompagnatrices des politiques locales ou nationales. Le gouvernement Macron, plus que les autres, semble soit totalement écarté d’une compréhension de l’éducation populaire et de la citoyenneté, soit fait le choix cynique de mettre aux pas les associations portant un objet social qui leur est propre.
4) les associations mises au pas par des lois racistes et liberticides
Le gouvernement actuel déploie une politique raciste et islamophobe. Après avoir déployé la loi séparatisme avec premier fait d’armes d’avoir dissous des dizaines d’associations culturelles et cultuelles musulmanes, ainsi que plusieurs associations antiracistes, de lutte contre les discriminations et l’islamophobie, notamment le CCIF, dont l’action était pourtant primordiale dans la défense des victimes d’islamophobie et reconnue par les organisations internationales telles que l’ONU.
Emmanuel Macron vient de promulguer une loi immigration raciste qui met à mal les droits des personnes étrangères…encore une fois.
Nos conditions de travail s’en voient largement affectés :
Avec la loi séparatisme, le gouvernement tente d’imposer la neutralité de service public aux salarié-es de l’associatif qui relève du secteur privé ( nous voyons déjà des aberrations comme demander à des salariées travaillant comme écoutantes dans une association depuis plusieurs années d’enlever leur voile car l’association a reçu une subvention importante de l’Etat , des postes de volontaires service civique sont refusées à de jeunes femmes voilées….)
Par ailleurs, certains publics ne sont pas les bienvenus dans nos associations subventionnées et ces lois mettent à mal l’accueil inconditionnel des personnes en situation de précarité et/ou la possibilité de travailler avec des publics diversifiés.
Au-delà des lois, le climat est nauséabond : la multiplication des dissolutions (ou tentatives) d’associations ou mouvements progressistes, l’utilisation des moyens antiterroristes (perquisitions administratives, assignations à résidence, espionnage…) contre des militants antiracistes ou écologistes, la perte d’agrément comme celui d’ANTICOR ou encore des menaces comme celles proférés par Gérald Darmanin concernant les financements de la Ligue des droits de l’homme. Les idées d’extrême-droite infusent et mettent à mal nos employeurs et nos conditions de travail.
NOS REVENDICATIONS :
Nous demandons et nous battons pour…
- Un financement des associations non pas par des appels d’offre, non pas par des appels à projets, mais par du soutien au financement. La défense de l’éducation populaire passe par la défense d’un modèle économique différent avec le soutien de toutes ces parties prenantes
- Un milliard pour les associations comme demandé par le CAC ( et qui correspond à un peu moins que le budget annuel de la généralisation du SNU).
- L’abrogation du volontariat en service civique
- Une reconnaissance qui manque cruellement pour le monde de l’éducation populaire, notamment ses salarié.es qui, comme tous les salarié·es des métiers du lien social subissent une dévalorisation criante.
- L’abrogation du SNU avec le redéploiement du budget afin de financer d’autres dispositifs existants (« Classes Découvertes », « Vacances apprenantes »…), d’améliorer les salaires et les conditions de travail des salarié.es de l’éducation populaire et des fonctionnaires travaillant à accompagner l’émancipation des jeunes, et de reconnaître le travail indispensable des associations d’éducation populaire.
- L’abrogation de la loi séparatisme et du Contrat d’Engagement Républicain »